Ce consultant en communication est un observateur averti et avisé de la politique de Rodrigues et de ses enjeux. Discret et modeste, Jean Marie Richard se décrit simplement comme un amoureux de l’île, pour laquelle il a eu le coup de foudre au début des années 80. Il partage avec nous son vécu, son expérience et sa vision de cette île en développement constant.
Textes: Elodie Dupont/Photos: DR
«Ça a été un coup de foudre, un coup de cœur», lâche, d’emblée, Jean Marie Richard. Nous sommes au début des années 80. À cette époque, alors qu’il est encore étudiant, Jean Marie Richard voit naître sa grande histoire d’amour avec Rodrigues. «Je m’y étais rendu pour réaliser quelques reportages radio pour l’émission Contact inter-îles de Jacques Maunick, alors diffusée sur Radio France Internationale», se souvient celui qui est aujourd’hui consultant en communication et observateur de la politique de l’île.
Ce qui l’a immédiatement séduit, poursuit-il, c’est «la fidélité en amitié et bien sûr tous ses autres attraits. Ce voyage a été un véritable parcours initiatique dans un monde hors du temps et de l’espace, flottant dans cette luminosité exceptionnelle que tous les primo-visiteurs ressentent au premier contact». À ce moment-là, les réseaux électriques et routiers n’étaient pas complétés. «On accordait du temps au temps pour se laisser apprivoiser par l’île, ses habitants et ses paysages envoûtants», confie Jean Marie Richard, un sentiment qu’il espère retrouver.
Au fil des années, l’île Rodrigues s’est métamorphosée. «Il faut être de mauvaise foi pour ne pas observer toutes les améliorations intervenues. Je dois rendre hommage à toutes les personnes et institutions, au-delà de leur allégeance politique, pour leurs contributions respectives à ce registre. La qualité de vie de Rodrigues s’est grandement améliorée», reconnaît Jean Marie Richard. Et pour l’observateur politique, impossible de parler du présent et de l’avenir sans revenir sur certains moments-clés de son histoire. «J’ai une pensée spéciale pour les signataires de cette pétition royale ; 79 Rodriguais qui, le 4 novembre 1915, ont fait appel au roi d’Angleterre pour une représentation de l’île au sein du conseil colonial d’alors. Plus près de nous, nous pouvons citer la dynamique culturelle amorcée dans les années 70 par le Groupement des Artistes Rodriguais, la valorisation de l’esprit de volontariat, du développement et de la santé communautaire impulsée par le Rodrigues Council of Social Services, de même que les prémices d’une évolution institutionnelle avec le Rodrigues Local Council.»
En ce qui concerne la société d’aujourd’hui, Jean Marie Richard concède que «la politique est partout un mal nécessaire». Et l’île Rodrigues ne fait pas exception. D’ailleurs, «depuis l’avènement de l’autonomie de l’île en 2002, elle permet surtout aux Rodriguais d’être au plus près de la prise de décision pour les sujets qui les concernent». Il est aussi d’avis qu’«il faudrait aller plus loin pour que tous s’approprient le processus de dévolution, pour en faire une démocratie participative, pour évoluer vers plus de responsabilités et au-delà. Il faudrait, pour cela, plus de sérénité et moins de clivages, comme ceux que nous avons connus depuis ces 20 dernières années».
En suivant cette vision, l’observateur politique est d’avis que «des thématiques comme l’environnement, le développement écologique du tourisme durable et responsable, la valorisation des produits du terroir, iront de plus en plus de pair avec la transition énergétique. Et les apports de la technologie digitale sont des atouts qui nécessitent un élan consensuel». En ce qui concerne le tourisme, qui s’adapte à l’île, sa culture et ses valeurs, «il est déjà un élément socio-économique, moteur de cette transformation, cette révolution». Il faudrait ainsi, suggère Jean Marie Richard, «que l’île Rodrigues s’aligne comme un seul bloc et ne sacrifie pas l’avenir de ses enfants sur l’autel des ego de politiciens et de leurs clivages toxiques».
Bien que la «Cendrillon des Mascareignes» ait connu diverses améliorations, Jean Marie Richard avance que plusieurs secteurs mériteraient tout de même une attention particulière. À l’instar de celui de l’eau, sans lequel, à son avis, le développement socio-économique de l’île et de ses habitants demeurerait paraplégique. «Associée à cela, la question ardue du traitement des déchets et des eaux demeure, tout comme la réduction des combustibles fossiles au sein du mix énergétique. Il faudrait aller davantage vers le photovoltaïque, l’éolien et la préservation des ressources marines mais aussi revoir le modèle éducatif de manière à refléter la culture et les valeurs de l’île.»
Notre interlocuteur est aussi en faveur d’«une amélioration de certaines infrastructures à mettre aux normes internationales dans la perspective d’un accroissement du nombre de visiteurs. À ce sujet, je prône beaucoup plus une multiplication de rotations de petits porteurs, plutôt que la venue de gros et moyens porteurs qui risquent fort de déstabiliser l’écosystème économique et social de Rodrigues».
Depuis trois ans, Jean Marie Richard anime une chronique – Regards sur Rodrigues. «J’y aborde tous les aspects pouvant intéresser Rodrigues, ses habitants et la diaspora, avec une touche de jus de limon, de miel du pays et de fumet de poisson, qui font le bonheur de nos palais, à déguster sans modération. C’est, par ailleurs, la seule chronique radiophonique consacrée à Rodrigues dans le paysage audiovisuel aujourd’hui.» Il y dresse très souvent un tableau impressionniste, parfois très personnel, qu’il partage avec les auditeurs.
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