Le 8 décembre 2025 restera une date gravée dans l’histoire personnelle de Djemila André — mais aussi dans le cœur de tous ceux qui, à Rodrigues, rêvent d’un avenir façonné par le courage et la détermination. À 29 ans, la jeune femme a prêté serment au barreau de Paris, devenant avocate après un parcours exemplaire, porté par une ambition sans faille et les sacrifices silencieux d’un père qui a toujours cru en elle.
Par Laura Samoisy/Photos: DR
Née à Rodrigues dans le petit village de Mont-Lubin, Djemila grandit entourée de valeurs simples : le travail, l’humilité, et cette conviction que les rêves n’appartiennent qu’à ceux qui osent les poursuivre. Élève de Notre Dame de Lourdes puis du Rodrigues College, elle se distingue très tôt par sa curiosité et sa rigueur. Depuis son enfance, une idée l’habite : devenir avocate.
Après son HSC, elle quitte l’île pour Maurice, puis pour la France. Ce départ n’a rien d’un privilège : elle n’est ni boursière, ni lauréate. Son voyage se fait grâce à la détermination d’un homme — son père — qui, par amour et conviction, consacre ses économies et ses sacrifices à lui offrir une chance. Djemila portera toujours cet héritage comme sa plus grande force.
Un parcours exigeant, une volonté inébranlable
Elle débute par un degree en Law and Management à l’Université de Maurice qu’elle décroche après trois ans d’étude, avant de se tourner vers la France. Direction, l’Université de Limoges, où elle obtient un Master en droit de l’entreprise et des patrimoines professionnels. Un parcours déjà remarquable.
Mais c’est à Paris que tout s’accélère. Elle rejoint l’Institut d’Études Judiciaires Paris Panthéon-Sorbonne, réussit l’un des examens les plus sélectifs de France, puis intègre l’EFB, l’École de Formation professionnelle des Barreaux, dernière étape avant le titre tant convoité d’avocat.
Chaque étape est une bataille. Chaque réussite, une victoire intime. Jusqu’au jour où elle prononce enfin le serment qui fait d’elle une avocate à part entière. Un moment suspendu, empreint d’émotion, où défile tout ce chemin parcouru depuis son île natale.
Paris aujourd’hui, Rodrigues toujours
Djemila exerce désormais comme avocate en contentieux des affaires dans un cabinet parisien d’envergure internationale. Un environnement exigeant, où elle affine ses compétences et se forge l’expérience nécessaire pour évoluer dans les litiges complexes du monde des affaires. Discrète, elle préfère garder le nom de son cabinet confidentiel pour le moment.
Mais malgré l’effervescence parisienne, son cœur reste tourné vers Rodrigues. « Un jour, je voudrais mettre mes connaissances au service de mon île », confie-t-elle. La forme reste à définir, mais l’intention ne fait aucun doute : rendre, à sa manière, ce que Rodrigues lui a donné — ses valeurs, ses forces, et sa première envie de justice.
Une jeune femme inspirante
Lorsqu’elle ne plaide pas, elle voyage, lit, rêve. Ses livres préférés — Le Ventre de l’Atlantique de Fatou Diome ou L’Étranger d’Albert Camus — reflètent sa sensibilité, son ouverture au monde et son goût pour les récits qui interrogent l’identité, la migration, la résilience.
Troisième d’une fratrie de quatre enfants, Djemila porte en elle une humilité sincère, loin du clinquant des grandes carrières parisiennes. Elle est la preuve vivante qu’une origine modeste n’est jamais un frein, mais peut devenir un moteur puissant.
Un symbole pour Rodrigues
Le parcours de Djemila André est plus qu’une réussite personnelle : c’est une promesse. La promesse que les jeunes Rodriguais peuvent viser loin. Que les barrières, réelles ou imaginées, peuvent être brisées. Et qu’avec détermination, discipline et amour, un enfant de Rodrigues peut prêter serment au barreau de Paris.
Pour son île, elle incarne la fierté, la possibilité, l’espoir. Pour tous les jeunes, elle incarne une vérité simple : tout rêve mérite d’être vécu — et poursuivi jusqu’au bout.
