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Le colloque 2025 du CEDTI: Penser l’avenir des zones côtières dans l’océan Indien

Le Centre d’Études du Développement Territorial Indo-oceanic (CEDTI) a conclu la deuxième édition du colloque « Habiter aux bords : Transitions littorales dans l’océan indien » pour comprendre et anticiper les transformations rapides qui affectent les zones côtières. Ce dernier s’est tenu du 18 au 20 novembre à l’IFM à Rose-Hill. Pendant trois jours, chercheurs, professionnels, acteurs locaux, étudiants et communautés se sont réunis pour analyser les enjeux du littoral, partager les dernières avancées scientifiques et co-construire des pistes d’adaptation. Ce projet est soutenu cette année par l’Ambassade de France, l’Institut français de Maurice et Kolos Cement Ltd.

La Rédaction

« Le colloque CEDTI est un rendez-vous annuel que nous organisons pour rassembler des professionnels, des chercheurs, des acteurs locaux et des membres des communautés concernées par des sujets majeurs. Cette seconde édition est consacrée à la transition du littoral, et réunit pendant trois jours toutes celles et ceux qui sont directement concernés par cette transformation. À travers des activités, des présentations de recherche et des ateliers que nous animons, nous discutons, développons des partenariats et co-créons des solutions ensemble. La transition du littoral, nous commençons déjà à la percevoir : les plages qui se rétrécissent sous l’effet de l’érosion, le niveau de la mer qui monte, les témoignages de nos grands-parents qui nous rappellent qu’avant, c’était différent. Ces changements se sont accélérés ces dernières années. Depuis plus de trois décennies, le changement climatique domine les discussions à l’échelle mondiale. Et pourtant, pour beaucoup d’entre nous qui vivons sur des îles, cela peutt encore sembler lointain, déconnecté de notre réalité quotidienne. Mais aujourd’hui, il est temps de changer de regard. Parlons non seulement de changement climatique, mais des transitions que nous sommes en train de vivre. Les signes sont partout autour de nous : les températures qui augmentent, les rivages qui reculent, les précipitations qui diminuent. Nos plages, autrefois symboles d’apaisement, s’estompent lentement. Ce ne sont pas des préoccupations abstraites. Ce sont des transformations concrètes qui façonnent nos maisons, nos modes de vie et nos espoirs. » a fait part la Dr Farrah Jahangeer, directrice du CEDTI.

Dr Farrah Jahangeer, directrice du CEDTI.

Cette édition a confirmé que les mutations du littoral ne relèvent plus d’une projection théorique. L’un des points forts des trois jours de colloque a été la présentation de MAURISCOT, un rapport consacré aux littoraux mauriciens (disponible sur les liens suivant :  synthèse et dans son intégralité) . MAURISCOT est une commande de l’État mauricien, via le ministère de l’Environnement, qui a sollicité le BRGM, reconnu pour son expertise en gestion des risques en France, afin de mener une étude sur les risques et l’évolution des risques côtiers liés au changement climatique à Maurice et à Rodrigues. Le projet a été financé par l’Agence Française de Développement, et le BRGM en a assuré la coordination. Il a conduit l’essentiel du travail sur les aléas et leur analyse. Le BRGM a ensuite fait appel à Météo-France pour obtenir les données nécessaires à l’étude de l’évolution des cyclones, de l’élévation du niveau marin et d’autres paramètres clés, ainsi qu’à l’Université de Limoges pour la partie consacrée au risque, c’est-à-dire l’évaluation des enjeux et de la vulnérabilité des sociétés côtières face au changement global.

Dr Farrah Jahangeer, directrice du CEDTI.

Par ailleurs, le rapport a mis en évidence une réalité désormais incontestable : l’érosion s’intensifie, les plages reculent, et la montée des eaux est aujourd’hui perceptible à l’échelle d’une seule génération. À Maurice, comme dans l’ensemble de l’océan Indien, la question n’est plus de savoir si ces transformations vont s’aggraver, mais de comprendre comment les populations pourront continuer à habiter des zones devenues vulnérables. C’est ce constat que la professeure Nathalie Bernardie-Tahir, géographe, à l’Université de Limoges et membre du comité du CEDTI a présenté au public lors de l’ouverture du colloque. Elle a expliqué que :

Nathalie Bernardie-Tahir, géographe, à l’Université de Limoges et membre du comité du CEDTI

« L’étude que nous avons menée porte sur l’ensemble du littoral, avec une cartographie fine couvrant Rodrigues et Maurice. Ce que nous observons est clair : l’érosion est déjà visible, et elle va s’accélérer à mesure que le niveau marin montera. Comme cette hausse sera particulièrement marquée après 2050, l’érosion s’intensifiera fortement après cette date. Nous arrivons ainsi à mesurer des retraits du trait de côte pouvant atteindre jusqu’à 200 mètres à l’horizon 2100 dans certaines portions du littoral mauricien. Deux cents mètres, c’est énorme, et dans une telle bande, on trouve de nombreuses habitations, des structures hôtelières, des routes, des infrastructures critiques et des communautés entières. Cela ne signifie pas 200 mètres partout : ce sont des scénarios, et ce n’est pas une science exacte. Mais selon les scénarios et selon les zones, nous pouvons identifier quelles portions du littoral sont particulièrement exposées par rapport à d’autres. C’est ce qui ressort pour l’érosion. L’étude montre aussi, sur la partie submersion, que le risque est déjà très présent aujourd’hui. Lorsqu’un cyclone majeur arrive, le risque est considérable. Toute la question est de savoir quand un cyclone puissant passera sur l’île. Nous avons réalisé toutes les simulations de submersion marine, et certaines zones sont totalement inondées : l’eau pénètre très profondément dans les terres, parfois avec des vitesses de courant et des hauteurs d’eau déjà très importantes. Ce sont ces phénomènes qui entraînent les dégâts, la disparition des habitations, la destruction des routes, etc. Et nous sommes désormais capables de mesurer ces risques pour 2050 et 2100. »

 Sean Andre Head of Sales and Marketing chez Kolos Cement

Face à cette complexité, le CEDTI souligne qu’aucune discipline ne peut, seule, répondre aux défis actuels. Le succès des solutions d’adaptation repose sur la convergence des savoirs.

« Au cours de l’année écoulée, nous avons lancé de nouveaux projets, organisé des formations et proposé des services de conseil pour rapprocher la recherche du terrain. Nous avons construit des partenariats, accueilli de nouveaux membres et publié nos propres chroniques de recherche. Lors de notre premier colloque, nous avions abordé les enjeux liés à l’eau auxquels font face les petits États insulaires en développement. Cette année, nous poursuivons cette réflexion en nous concentrant sur les transitions littorales, un sujet qui touche toutes les dimensions de la vie insulaire. Et ce que nous observons aujourd’hui confirme une réalité incontournable : aucune discipline, prise isolément, ne peut répondre à des défis d’une telle ampleur. Tout au long du colloque, des chercheurs venus des Comores, de Madagascar, de la Réunion, de France et d’Inde ont présenté leurs travaux, apportant des éclairages que l’architecture seule, l’ingénierie seule ou les sciences environnementales seules ne pourraient offrir. Cette diversité est essentielle », a ajouté Farrah Jahangeer.

Quentin Biehler Directeur & conseiller de coopération pour l’IFM.

Le centre a ainsi réuni architectes, géographes, ingénieurs, sociologues, pédagogues, urbanistes, économistes, spécialistes du climat, entreprises et représentants des collectivités pour élaborer des réponses adaptées à chaque territoire. Le colloque met également en avant l’importance d’une approche pluriculturelle, indispensable dans une région où les pratiques, les mémoires littorales et les rapports à la mer varient d’une communauté à l’autre. Travailler avec les habitants, écouter les récits, intégrer les usages locaux et associer les savoirs traditionnels aux connaissances scientifiques permet d’enrichir les solutions et de renforcer leur acceptabilité. Le CEDTI travaille avec les partenaires du développement pour trouver un moyen clair d’avancer. Parmi ceux qui ont apporté leur soutien au programme se trouve Kolos.

 Nicolas Paturau, directeur de Taktik Architects lauréat du concours Bel Ombre 2050 : Reshaping the Edge

« Chez Kolos, il était pour nous important d’être au cœur d’un colloque qui parle d’avenir, de littoral, d’imaginaire et d’innovation. Nous avons mis le développement durable au cœur de notre travail, mais il nous faut aller plus loin. Parce qu’un cimentier connaît très bien une chose simple : si les fondations sont fragiles, rien ne tient. Or aujourd’hui, les fondations de nos territoires sont mises à l’épreuve : la mer monte, les rivières débordent, les terres s’érodent, les vies changent. Face à cela, nous ne pouvons plus nous définir comme de simples fournisseurs de matériaux. Nous devons être des partenaires, des alliés, des co-bâtisseurs de solutions. C’est exactement ce que représente notre engagement aux côtés du CEDTI. Nous portons une conviction forte : la recherche est le seul endroit où l’on fabrique l’avenir avant qu’il n’arrive. Soutenir la recherche, c’est accepter de questionner nos pratiques, nos processus, et parfois même nos certitudes. Ce ne sont pas de simples exercices théoriques. Ce sont des réponses concrètes pour les villages qui voient chaque année la mer avancer d’un pas de plus. Et soutenir cela a, pour nous, infiniment plus de sens. Des idées solides peuvent réellement changer notre trajectoire. Je veux saluer ici le travail du CEDTI, cette équipe qui réussit quelque chose de rare : réunir autour d’une même table des chercheurs, des architectes, des artistes, des ingénieurs, des habitants et même des cimentiers. Et c’est là que tout commence : dans ce mélange, dans cette diversité d’approches et de savoirs, dans la collaboration. » a fait part Sean Andre Head of Sales and Marketing chez Kolos Cement.

Lekhansh Jeewon, étudiant en architecture et lauréat du prix du public Bel Ombre 2050 : Reshaping the Edge

Le projet a bénéficié du soutien de l’Institut Français de Maurice (IFM) dans le cadre du FEF-Création. À cette occasion, l’IFM a tenu à rappeler l’importance de cet appui et à replacer le colloque dans une dynamique plus large de coopération, de recherche et d’innovation.

« C’est avec un très grand plaisir que l’Institut français de Maurice accueille cette nouvelle édition du colloque CEDTI, consacré cette année à un thème d’actualité. Ce sujet, à la fois scientifique, humain et poétique, nous invite à réfléchir à notre manière d’habiter le monde. Les bords, les rivages, les zones côtières sont des espaces de rencontre entre la terre et la mer, entre la nature et la société, entre le local et le global. Ces espaces concentrent à la fois les promesses et les vulnérabilités de notre époque : croissance urbaine, pression touristique, montée du niveau de la mer, érosion des côtes, mais aussi créativité, innovation et résilience. L’océan indien est au cœur de ces enjeux et se trouve frappé aujourd’hui par des bouleversements environnementaux d’une ampleur inédite. Dans ce contexte, Maurice et ses voisins jouent, et doivent jouer, un rôle essentiel : celui de territoires – laboratoires où se construisent concrètement les solutions de demain. Et le CEDTI, depuis sa création, contribue de manière remarquable à ces réflexions. En associant chercheurs, architectes, urbanistes, ingénieurs, étudiants et artistes, le centre crée un espace rare de dialogue interdisciplinaire. Ce colloque illustre parfaitement cette dynamique : croiser les regards, confronter les pratiques, penser ensemble les transformations à venir. L’Ambassade de France à Maurice et l’IFM sont particulièrement heureux de soutenir cette initiative à travers le FEF-Création, un outil de coopération destiné à accompagner les projets mauriciens innovants dans de nombreux domaines. À travers ce soutien, nous affirmons que la recherche est une composante essentielle de la transition écologique. » a déclaré Quentin Biehler Directeur & conseiller de coopération pour l’IFM.

Les quatre finalistes du concours Bel Ombre 2050 : Reshaping the Edge

D’autre part, les gagnants du concours Bel Ombre 2050 : Reshaping the Edge ont également occupé une place centrale dans les échanges. Issu d’une démarche de recherche-action initiée lors du précédent colloque, ce défi architectural a mobilisé la créativité d’équipes mauriciennes et internationales pour repenser l’avenir d’un village confronté à la montée de la mer et aux crues de la rivière Saint-Martin. Les propositions ont exploré des formes d’habitat plus souples, des typologies constructives innovantes, de nouveaux rapports à l’eau et des scénarios d’adaptation progressive du village. L’ensemble des projets a été évalué par un jury d’experts ainsi que par les habitants présents lors de la cérémonie d’ouverture, illustrant une co-construction fondée sur l’écoute mutuelle et la mise en débat des solutions.

Nicolas Paturau, directeur de Taktik Architects lauréat du concours, a expliqué : « Au lieu de présenter un projet concret, j’ai voulu partager une approche, une démarche d’humilité. Il ne s’agissait pas d’arriver avec des solutions toutes faites, mais de changer de posture et d’adopter une attitude fondée sur les compétences potentielles, l’expertise, le partage, la collaboration et surtout l’écoute. Mon projet se divise en deux parties : l’aspect sensible, “Invitation to dwell on the edge”, qui vise à ressentir les tensions du lieu, puis un déroulé plus classique avec un schéma directeur et des pistes possibles. Ce n’est qu’un exemple, pas une solution en soi. L’idée était de rappeler que la vraie réponse consiste d’abord à écouter, à habiter ces tensions et à y faire face. Aucune innovation ou créativité ne tient si l’on n’adopte pas une posture réellement attentive au terrain et aux habitants. »

Lekhansh Jeewon, étudiant en architecture et lauréat du prix du public lors de la soirée d’ouverture, a quant à lui souligné : « Cela m’a fait chaud au cœur, parce que c’est un projet qui a résonné avec le public. C’était quelque chose perçu comme faisable, alors que moi-même je craignais que cela paraisse utopique. Ce sont les arguments et le discours qui ont convaincu. L’architecture, ce n’est pas seulement prévoir comment construire ou quelles méthodes adopter ; c’est aussi une manière de présenter les informations. Les documents graphiques soutiennent notre propos, mais nous ne pouvons pas nous reposer uniquement dessus. Pour faire avancer un projet, il faut savoir convaincre. Ce projet, mené dans les trois mois suivant mon diplôme, a été pour moi un véritable apprentissage. Je manque encore d’expérience en construction locale, et cela m’a poussé à multiplier les échanges, à trouver les bonnes informations et à comprendre comment implémenter ces stratégies à l’échelle urbaine et architecturale. J’ai adoré ce processus. Cela montre que, jusqu’au bout, l’architecture reste une filière essentielle. »

Le CEDTI rappelle que l’adaptation au changement climatique est un processus de long terme, qui exige des expérimentations et une collaboration continue entre institutions, scientifiques et populations. Les réponses ne pourront être ni uniformes ni immédiates : elles devront combiner différentes approches selon les territoires, allant des interventions structurelles à la relocalisation, des réformes réglementaires à la restauration d’écosystèmes, en passant par des innovations architecturales, éducatives et sociales.

À l’issue de cette édition, le centre réaffirme son engagement à poursuivre un travail de terrain, à accompagner les communautés et à soutenir la recherche, afin que Maurice et l’océan indien puissent inventer des modes d’habiter capables de transformer la vulnérabilité en résilience. Le CEDTI appelle enfin au renforcement des coopérations régionales, convaincu que l’avenir du littoral se construira collectivement, au croisement des savoirs, des cultures et des expériences.

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