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Histoire de l’aviation à Rodrigues : entre espoir et désillusion

L’histoire de l’aviation à Rodrigues qui se devait d’être l’histoire d’un joyeux cheminement d’un peuple vers le progrès et l’ouverture sur le monde s’avère être, aujourd’hui, la triste histoire du confinement d’une population ilienne dans son insularité, et des peines et des souffrances, de destins brisés. Depuis plus de dix ans maintenant, le peuple rodriguais appelle à l’aide, á la compréhension, au droit d’un traitement égal aux autres citoyens d’une république qui refuse de l’entendre et qui lui nie le droit à l’écoute et à la Justice. Avec souvent pour conséquences les souffrances du déchirement d’avec les êtres aimés, et le sentiment d’être considérés comme un fardeau pour l’État, et donc des assistés indésirables et non des citoyens à part entière, un statut qui leur est pourtant garanti par la Constitution et à quoi ils aspirent.

Par Noel Allas, journaliste et historien/ Photos: Archives de Noel Allas, Nathaniel Sainte-Marie et Dr

Éloigné dans l’isolement de l’insularité d’une île sise à plus de 600 kilomètres de la métropole mauricienne, le Rodriguais ne jouit pas des mêmes facilités et conditions de vie que ses concitoyens vivant sur la Grande Terre : service de santé précaire, impossibilité pour les jeunes d’avoir accès aux études supérieures et à un emploi durable sur place, interruptions fréquentes dans l’approvisionnement, et le sempiternel problème d’accès à l’eau sont autant de barrières qui font obstacle à son sain épanouissement. Le Rodriguais est donc condamné à se rendre à Maurice pour se faire soigner, rendre visite à des parents malades, assister aux funérailles des proches, soutenir un enfant poursuivant des études supérieures qui, bien souvent fait face à des problèmes d’inadaptation ou à des crises dépressives (surtout en périodes d’examens), se procurer des articles indisponibles sur le marché local, aller à l’université, trouver un marché pour ses produits, prendre des vols internationaux, ou tout simplement trouver un emploi.

De tout temps, la mobilité du Rodriguais était facilitée par un navire polyvalent pouvant assurer le transport de passagers et marchandises sur le service maritime inter-îles. Or, depuis le retrait du « MV Mauritius Pride » de ce service en 2014, et le fait qu’aucune provision n’avait été faite pour son remplacement, il a été décidé que le service serait assuré par des navires cargo de location. Finalement, un navire a été mis sur le service, mais les réalités de l’île n’ayant pas été prises en considération, il s’avère que le seul « Peros Banhos » n’arrivera jamais à satisfaire l’approvisionnement de l’île. Et l’absence d’un navire pouvant transporter des passagers impose donc aux Rodriguais la dure réalité d’un droit réduit à la mobilité, puisque dorénavant, ils sont condamnés à ne se déplacer que par avion. Mais le service aérien inter-îles, répond-t-il vraiment aux réalités rodriguaises ?

Paul Lemerle et son Cessna-421 en juillet 1972.

C’est le 14 juillet 1972, alors que le petit aéroport de Plaine Corail n’est pas encore opérationnel, que Rodrigues accueille son tout premier avion. Un fruit du hasard, dirait-on, car c’est un vol d’urgence. Une jeune femme, fille du plus grand commerçant de l’île, ayant eu des problèmes suite à un accouchement, a besoin de soins médicaux urgents indisponibles dans l’Île. Le service du pilote Paul Lemerle de La Réunion et son « Cessna 42 » sont sollicités, Le bimoteur est considéré comme un engin de grande puissance qui avait les capacités requises de relier Maurice pour l’évacuation de la patiente.

Le vol ayant été un succès, Maurice décide d’inaugurer la piste de Plaine Corail afin de permettre aux personnalités de Maurice de se rendre à Rodrigues, le voyage par bateau étant trop long et trop éprouvant. Et c’est le 13 septembre de la même année que le service commercial est inauguré.

C’est un dénommé Patrick Ressejac-Duparc qui pilote le Piper Navajo à six sièges, ramené de Madagascar, pour ce vol inaugural de deux heures, marquer le début du service domestique, et devenir le premier avion de la flotte d’Air Mauritius dédié au service domestique inter-Îles avec Rodrigues et La Réunion.

En septembre 1974, le vieux Piper Navajo d’Air Mauritius est remplacé par un « Twin Otter » de neuf places. Un an plus tard, un « Del Havilland Twin Otter » de seize places vient consolider le service, suivi en 1979 d’un deuxième Piper Navajo. Mais, les vols ayant pour vocation le transport des délégations officielles principalement, Maurice ne donne pas vraiment une grande importance à la desserte.

En 1985, Air Mauritius décide de louer un « Hawker Siddeley 748 » de Réunion Air Services pour soutenir les vols de ses deux « Twin Otter », en attendant que son premier « ATR 42-300 », dont la commande avait été passée, lui soit livré. Ce modèle s’étant démontré très adapté au service inter-Îles, Air Mauritius optera pour d’autres modèles, dont l’ATR42-500 et l’ATR 72-500) qui viendront plus tard s’ajouter à sa flotte.

Le secteur touristique naissant s’avérant prometteur, surtout que les Réunionnais font montre d’un intérêt croissant pour Rodrigues, l’aéroport de Plaine Corail accueille ses premiers passagers sur le vol inaugural Réunion-Rodrigues, le 26 décembre 2003. Ce vol est assuré par un ATR 42 de 48 sièges.

Le service est consolidé par la mise en service d’un « Beechcraft 1900 D » pouvant transporter 14 passagers, le 1er septembre 2005 et 2007. Le Beechcraft est la propriété de la compagnie Catovair Ltd, une filiale d’lreland Blyth Ltd de Maurice. Mais pour des raisons obscures, le service est interrompu en 2007 et il faudra attendre jusqu’au 8 décembre 2015 pour voir l’arrivée d’un ATR72 de 72 places sur cette desserte.

En décembre 2010, Air Mauritius accueille un nouvel ATR72-500, acquis en leasing auprès de « Nordic Aviation Capital », et le 30 décembre 2023, arrive son premier ATR72-600, nommé « Saint Brandon » est mis en service pour renforcer la liaison inter-îles.

Avec la croissance dans les arrivées touristiques, il a été décidé que la piste d’atterrissage de Plaine Corail soit étendue afin d’accueillir des plus gros porteurs. Et les travaux préliminaires durent depuis plus d’une décennie maintenant. Or, si ces développements peuvent paraître éloquents, la question que la population se pose est de savoir si vraiment ce développement va servir le peuple rodriguais, ou veut-on privilégier la profitabilité de la compagnie d’aviation au détriment de la dignité humaine. La question mérite d’être posée car le peuple n’est nullement informé de bien d’aspects du projet.

Avec plusieurs vols quotidiens actuels – pouvant aller jusqu’à 12 -, les évacuations sanitaires peuvent se faire facilement. Or, avec un gros porteur qui effectuerait un unique vol, voire même deux par semaine, comment ferait-on pour évacuer les urgences vers Maurice ? Et quelles seront les retombées sur les activités économiques dans les périphéries de l’aéroport ? Avec les coûts additionnels qu’entrainerait la mise en service d’un gros porteur, quelles seront les conséquences sur le prix du billet ?

Depuis plusieurs années maintenant, on constate que la compagnie Air Mauritius Ltd, filiale de Airport Holdings Ltd, elle-même compagnie détentrice de l’hôtel Cotton Bay Resort & Spa à Rodrigues, donne priorité d’accès aux billets aux agences de voyages, et cela, au détriment des natifs de Rodrigues. Bien souvent, les malades désirant aller se faire soigner à Maurice n’arrivent pas à avoir un billet, ou sont contraints à passer des nuits entières sur un banc à l’aéroport en attente d’une place sur l’avion. Mêmes les patients hospitalisés nécessitant des soins urgents doivent attendre plusieurs jours pour avoir une place sur l’avion, et cela n’étonnerait personne que beaucoup de personnes soient décédées dans des conditions qui interpellent le bon sens.

Pire encore, l’absence d’un CT-Scanner ou encore d’un service d’images à résonance magnétique nucléaire dans l’île oblige notre service de santé à transférer les patients à Maurice pour ces examens. Or, les résultats des examens sont renvoyés aux médecins-traitants à Rodrigues alors même que les patients doivent, bien souvent, attendre des semaines, voire plusieurs mois, avant de pouvoir sécuriser un billet d’avion en vue de bénéficier des traitements appropriés. Et pourquoi nier cette cruelle vérité ? Ces longues attentes ont entraîné la mort de trop nombreuses personnes ces dernières années. Et le plus désolant, c’est que les souffrances de ces nombreuses familles ayant perdu un de leurs proches par manque de l’encadrement médical nécessaire semble être le cri de celui qui crie dans le désert.

Alors que la liaison inter-îles se devait d’être un service domestique pour faciliter la vie de ces citoyens vivant dans l’isolement et loin des centres de développement, le prix du billet d’avion et l’Airport Tax ne cessent d’augmenter, privant du coup les plus démunis de la possibilité d’avoir accès à un service de santé décent et de leur droit à la mobilité dans une république dont ils sont pourtant des citoyens à part entière.

Et face à cette situation, les tendances sécessionnistes qui animaient, il y a une trentaine d’années de cela, une petite frange de la population, refont surface et attirent de plus en plus d’adeptes parmi la jeune génération. Une revendication légitime à ne pas sous-estimer…

Un enjeu de développement régional

Cette réorganisation tarifaire illustre les défis auxquels font face les compagnies aériennes régionales dans l’océan Indien. Rodrigues, île autonome de 40 000 habitants située à 560 kilomètres à l’est de Maurice, dépend entièrement de cette liaison aérienne pour ses échanges avec l’extérieur. La nouvelle politique d’Air Mauritius, si elle peut paraître contraignante, vise à garantir une desserte plus prévisible de cette île périphérique, enjeu crucial pour son développement économique et social. Reste à savoir si cette rationalisation permettra effectivement d’améliorer la qualité de service tout en préservant l’accessibilité de la destination.

Contraintes :

Bagages en soute : 15 Kg

Vol passager et non cargo

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