Libérer la parole poétique et favoriser l’expression des créativités en français et en créole. Telle était l’ambition et l’engagement de la poétesse Catherine Boudet lors des activités qu’elle a réalisées dans le cadre du festival international Mai.Poésie en Martinique, du 2 au 11 mai 2024. Une suite logique pour la poétesse auteure du Manifeste pour l’émergence d’architectures mentales alternatives (2015), dans lequel elle préconisait l’importance de promouvoir de nouvelles formes de pensée pour les îles afin de prévenir l’envahissement de la pensée unique.
Textes: La Rédaction/Photos: Balisaille et DR
Catherine Boudet a d’ailleurs tenu à rendre hommage lors de la cérémonie d’ouverture du festival, au poète et philosophe René Ménil (1907-2004), le premier auteur engagé martiniquais. C’était le mercredi 1er mai, à la mairie de Gros-Morne, la ville de naissance de René Ménil. Citant le manifeste de René Ménil, Légitime Défense (juin 1932), « Nous voulons voir clair dans nos rêves et nous écoutons leurs voix. Nos rêves nous permettent de voir clair dans cette vie qu’on prétend nous imposer encore longtemps », la poétesse a tenu à rappeler le rôle essentiel de la poésie dans la lutte contre les chaînes de la pensée unique.
Catherine Boudet était invitée à ce festival poétique annuel par l’association organisatrice Balisaille. Un événement littéraire de portée internationale qui convoquait une quinzaine de poètes venus de plusieurs autres pays (Bénin, France, Guyane, Guadeloupe) pour faire entendre la poésie sur tout le territoire martiniquais pendant deux semaines. Car « si le public ne vient pas à la poésie, nous conduirons la poésie au public », tel était le motto des organisateurs du festival Mai.Poésie.
Une posture d’autant plus essentielle, « à l’heure où l’humanité semble avoir fait le choix de la guerre au détriment de la paix, à l’heure où il est plus gratifiant de se battre pour des billets verts que pour des vers libres », ainsi que le déclarait Faubert Bolivar, directeur artistique de Balisaille, soulignant l’importance d’être « de ceux et celles qui, sans être naïfs, clament que la voie de la poésie et de l’amour existe encore et qu’elle est belle ». Catherine Boudet, adhérant à cette posture éthique et artistique, s’est déclaré « fière et honorée d’être de ceux et celles que Balisaille a conviés pour l’assumer et la faire entendre ».
Pendant la première semaine du festival, Catherine Boudet a animé des ateliers d’écriture poétique dans six écoles de la commune du Robert. Elle était en binôme avec le poète martiniquais Kristian Loran, auteur de Les mots de silence (prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde 2021). Les ateliers basés sur le concept du poème collectif ont remporté un grand succès auprès des élèves. Petits et grands ont adhéré à l’idéal porté par les deux poètes de libérer la parole poétique et de permettre l’expression des créativités. Les poèmes collectifs rédigés par les classes en atelier feront l’objet d’une exposition à la bibliothèque municipale du Robert au début du mois de juin.
Pendant la deuxième semaine du festival, Catherine Boudet en compagnie des autres poètes martiniquais et internationaux a ensuite participé à un programme très riche de lectures, conférences, apéros-poésie et rencontres. Elle a notamment été la modératrice de la table ronde sur « La poésie à l’épreuve de l’intelligence artificielle », avec un panel composé d’Isambert Duriveau, sculpteur martiniquais et d’Hermas Gbaguidi, dramaturge béninois. Elle a interpellé le public sur ce que l’intelligence artificielle suscite et interroge dans la pratique poétique et artistique de tout un chacun.
Lors d’une cérémonie d’hommage au grand poète martiniquais Edouard Glissant, le jeudi 9 mai, Catherine Boudet a lu un extrait du poème Les Indes (1956). Une occasion de souligner la fraternité historique et spirituelle entre les Antilles (historiquement les West Indies) et les Mascareignes (les East Indies). Une façon également pour la poétesse et politologue de « boucler la boucle », elle qui a largement cité les travaux d’Edouard Glissant dans le cadre de ses recherches sur la diaspora mauricienne. C’était en effet en se référant à la théorie de la Relation développée par Edouard Glissant que Catherine Boudet avait développé sa propre théorie de l’« identité pollinisée » pour décrire la diaspora mauricienne.
A l’occasion du festival, Catherine Boudet était également membre du jury international qui a décerné l’édition 2024 du prix international de l’Invention poétique, sous la présidence du poète guadeloupéen Max Rippon. Les noms des lauréats ont été dévoilés lors de la cérémonie de clôture, le 11 mai. Ce sont deux jeunes poètes haïtiens qui ont raflé les premiers prix, Witerwan Kenley Jean en langue française avec Nul oiseau ne viendra picoter nos tombes, et Iléus Papillon en langue créole avec Adjeridan. Catherine Boudet a salué ce cru 2024 de poètes de ce prix organisé par Balisaille qui selon elle « valorise les écritures novatrices et leur expression en langue française et créoles ».