À l’occasion de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition, l’Institut français de Maurice (IFM) accueille ce jeudi 21 août une conférence publique d’envergure à la croisée de l’histoire, de la mémoire, de la recherche scientifique et de la coopération muséale.
La Rédaction
Organisée en partenariat avec le Musée Intercontinental de l’Esclavage (ISM Mauritius Ltd), cette rencontre intitulée Visages d’ancêtres – Retour des archives et de la collection de bustes Froberville à Maurice marque une étape importante dans le processus de revalorisation d’un patrimoine méconnu et dans la reconnaissance d’une mémoire longtemps effacée.
Un moment-clé : le retour de la collection Froberville à Maurice
Au coeur de cette conférence figure la collection Froberville, un ensemble unique de bustes anthropologiques moulés à l’île Maurice entre 1845 et 1847, à partir de visages d’individus est africains anciennement captifs. Longtemps conservés en France, ces objets ont été redécouverts grâce au travail rigoureux de l’historienne Klara Boyer-Rossol, spécialiste des traites et des esclavages dans l’océan Indien.
Eugène de Froberville, né à Maurice en 1815, s’inscrivait dans une pensée libérale et abolitionniste. Entre 1845 et 1847, il interrogea plus de 300 personnes africaines de naissance, à la Réunion et à Maurice. La plupart avaient été victimes d’une traversée forcée
depuis les côtes de l’Afrique orientale, notamment du Mozambique, du Malawi ou de la Tanzanie.
Au total, Froberville fit mouler environ quatre-vingts bustes, dont cinquante-huit sont aujourd’hui conservés. Initialement réalisés dans un cadre colonial et pseudo-scientifique, ils sont désormais replacés dans une perspective mémorielle et humaine, comme autant de visages et d’histoires restituées à, celles et ceux que l’histoire officielle avait réduit·es au silence.
Klara Boyer-Rossol : une historienne au croisement des mondes
C’est à Klara Boyer-Rossol que l’on doit la redécouverte de cette collection et des archives privées d’Eugène de Froberville, transmises par son descendant, M. Emmanuel Huet de
Froberville. Ce fonds exceptionnel, constitué de plus d’une centaine de cartons, rassemble carnets, manuscrits, notes de terrain et documents anthropologiques. À travers une démarche exigeante, l’historienne s’attache à retrouver les identités, les trajectoires et les mémoires des personnes représentées.
Elle redonne une voix à celles et ceux qui en avaient été privés. Autrice du catalogue d’exposition, Visages d’ancêtres (Éditions Le Charmoiset, 2024), elle a assuré le
commissariat scientifique de l’exposition du même nom présentée en 2024 au Château royal de Blois. Elle est actuellement chercheure invitée au Bonn Center for
Dependency and Slavery Studies en Allemagne. Sa conférence apportera un éclairage inédit sur les conditions de réalisation des moulages à Maurice en 1846, les parcours des
individus représentés, les processus d’effacement et de réapparition de leur histoire, ainsi que sur la responsabilité contemporaine des institutions à leur offrir une narration digne
et humanisante.
Une soirée pour la mémoire et pour l’avenir
Cette conférence publique s’inscrit dans le cadre des commémorations du 23 août, Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. À Maurice, elle prend
une dimension particulière dans un contexte où l’histoire esclavagiste a longtemps été marginalisée dans l’espace public. L’événement se veut un moment de transmission, de
reconnaissance et d’échange. Il marque également une étape décisive dans le développement du Musée Intercontinental de l’Esclavage à Port Louis et dans le processus de réappropriation d’un patrimoine historique et mémoriel essentiel.
Un partenariat au service de la restitution
Le retour de la collection Froberville s’inscrit dans le cadre d’une convention de dépôt entre le Musée Intercontinental de l’Esclavage et le Château royal de Blois. Trois bustes sont d’ores et déjà exposés dans les salles du musée à Port-Louis, installé dans le plus ancien bâtiment de l’île, l’ancien hôpital militaire édifié au XVIIIe siècle. D’autres suivront progressivement. À travers ces visages retrouvés, c’est toute une humanité que l’on
reconnaît à nouveau.